Alexandre Devecchio |
par Alexandre Devecchio, FigaroVox, 8 novembre 2019
Les intentions pouvaient sembler louables. Dire «non» à l’extrémisme. Rappeler que l’attaque de la mosquée de Bayonne était aussi une attaque contre la République, que les musulmans doivent être protégés comme tous les citoyens français. Mais de cela, il devrait être à peine question lors de «la marche contre l’islamophobie» ce dimanche. Pour s’en convaincre, il suffit de lire l’appel publié dans Libération le 1er novembre ainsi que la liste des signataires. La rhétorique qui y est utilisée ne souffre d’aucune ambiguïté. C’est celle, désormais familière, de l’islamosphère indigéno-fréro-salafiste.
Le choix du mot «islamophobie» évidemment n’est pas neutre: «Non, vraiment, le terme “islamophobie” est mal choisi s’il doit désigner la haine que certains tarés ont des musulmans. Il n’est pas seulement mal choisi, il est dangereux. […]», écrivait Charb en 2015 dans son livre testament Lettre aux escrocs de l’islamophobie. Sous couvert de lutte contre le racisme, ce terme, popularisé par l’ayatollah Khomeyni, vise, en effet, à interdire toute critique de l’islam et rétablir une forme de délit de blasphème. L’allusion aux «lois liberticides contre les musulmans» ne doit rien non plus au hasard.
Il s’agit d’amalgamer le principe de laïcité, et notamment la loi de 2004 sur le port du voile à l’école et celle de 2010 interdisant le voile intégral, à une forme de «racisme d’État», concept cher aux Indigènes de la République. Ce type de discours vise à raviver la mémoire de la colonisation et alimenter le ressentiment victimaire d’une partie de la jeunesse des banlieues, déjà en voie de sécession, à l’égard de la France. Avec le risque de faire basculer la France vers la partition?
Sur la liste des signataires, on n’est pas surpris de retrouver Marwan Muhammad, le directeur exécutif du CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France), organisation «antiraciste» liée aux Frères musulmans. Marwan Muhammad qui compare les «Juifs en Allemagne dans les années 1930» et les «musulmans dans la France des années 2010», affirmant qu’on y «mitraille des mosquées». Pas surpris non plus d’y retrouver l’«humoriste» Yassine Belattar, qui conseillait récemment au ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, d’«éviter de mettre les pieds dans le 93». On peut aussi citer l’imam Nader Abou Anas, qui s’est lui-même finalement retiré de la liste des signataires, connu pour ses prêches rétrogrades: «la femme, elle ne sort de chez elle que par la permission de son mari».
Une partie de la gauche, radicale mais pas seulement, a choisi d’apporter sa caution à cette nébuleuse islamiste. Parmi les 50 personnalités signataires de cette tribune, on trouve, en effet, le patron de Mediapart, Edwy Plenel, le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, celui de la CGT, Philippe Martinez, mais aussi l’ancien candidat à la présidentielle, Benoît Hamon, ou encore l’eurodéputé écolo Yannick Jadot… Ce dernier, comme François Ruffin et d’autres cadres de La France insoumise, n’assume plus l’intégralité du texte et ne viendra pas manifester dimanche. Soit. Mais la complaisance à l’égard de l’islamisme d’une certaine gauche, souvent la plus virulente lorsqu’il s’agit de traquer le moindre «dérapage» chez le «mâle blanc occidental», n’est pas nouvelle.
Elle est devenue si banale que l’expression «islamo-gauchiste» fait désormais partie du vocabulaire de la plupart des politologues. Un rapprochement a priori contre-nature qui s’opère en partie pour des raisons de calcul clientéliste, mais aussi pour des raisons idéologiques. Une certaine gauche, inconsciemment essentialiste et paternaliste, voit dans «les musulmans» les nouveaux damnés de la Terre, «une espèce à protéger» (Zineb El Rhazoui), tandis que l’Occident fait, pour eux, figure d’oppresseur éternel. Cette «gauche identitaire» (Mark Lila) s’est enfermée dans le piège de la politique des minorités au point d’abandonner toute notion de bien commun et de participer à la division profonde de la société.
Samedi dernier, une manif «anti-Zemmour» a eu lieu devant le siège de CNews. Dans une vidéo circulant sur les réseaux sociaux, on a pu entendre les organisateurs, fichés S, traiter le chroniqueur, mais aussi Caroline Fourest, Pascal Bruckner, Pascal Praud, Nadine Morano, Ivan Rioufol ou encore Gilles Clavreul et Laurent Bouvet de «poignée de sionistes». Zhora Bitan, Lydia Guirous, Zineb El Rhazoui ou Mohamed Sifaoui ont quant à eux été visés en tant que «bougnoules de service» (sic).
«On entendra certainement dans la nouvelle manifestation de dimanche des slogans et des appels à la haine du même type que ceux entendus dans la manif “anti-Zemmour”, prédit Laurent Bouvet. Pour une raison simple: les mêmes qui appellent et participeront à cette manifestation étaient devant CNews samedi dernier.» Mais cette fois, ils auront une partie de la gauche pour compagnons de route.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire