CD
LETTRE A Mr BOUTEFLIKA
Président de la République algérienne.
Monsieur le Président,
En brandissant l'injure du génocide de
l'identité algérienne par la France, vous saviez bien que cette identité
n'a jamais existé avant 1830. Mr Ferrat Abbas et les premiers
nationalistes avouaient l'avoir cherchée en vain. Vous demandez
maintenant repentance pour barbarie:vous inversez les rôles !
C'était le Maghreb ou l'Ifriqiya, de la Libye au Maroc. Les
populations, d'origine phénicienne (punique), berbère (numide) et
romaine, étaient, avant le VIIIème siècle, en grande partie chrétiennes
(500 évêchés dont celui d'Hippone / Annaba, avec Saint Augustin). Ces
régions agricoles étaient prospères. Faut-il oublier que les Arabes,
nomades venant du Moyen Orient, récemment islamisés, ont envahi le
Maghreb et converti de force, "béçif " (par l'épée), toutes ces
populations?
"
Combattez vos ennemis dans la guerre entreprise pour la religion. Tuez
vos ennemis partout où vous les trouverez " (Coran, sourate II, 186-7).
Ce motif religieux était élargi par celui de faire du butin, argent,
pierreries, trésor, bétail, et aussi bétail humain, ramenant par
troupeaux des centaines de milliers d'esclaves berbères; ceci légitimé
par le Coran comme récompense aux combattants de la guerre sainte
(XLVIII, 19, 20). Et après quelques siècles de domination arabe
islamique, il ne restait plus rien de l'ère punico romano berbère si
riche, que des ruines (Abder-Rahman ibn Khaldoun el Hadrami , Histoire
des Berbères, T I, p.36-37,40,45-46. 1382) .
Faut-il
oublier aussi que les Turcs Ottomans ont envahi le Maghreb pendant
trois siècles, maintenant les tribus arabes et berbères en semi
esclavage, malgré la même religion, les laissant se battre entre elles
et prélevant la dîme, sans rien construire en contre partie.
Faut-il
oublier que ces Turcs ont développé la piraterie maritime, en utilisant
leurs esclaves. Ces pirates barbaresques arraisonnaient tous les
navires de commerce en Méditerranée, permettant, outre le butin, un
trafic d'esclaves chrétiens, hommes, femmes et enfants. Dans l'Alger des
corsaires du XVIème siècle, il y avait plus de 30.000 esclaves
enchaînés. D'où les tentatives de destruction de ces bases depuis
Charles Quint, puis les bombardements anglais, hollandais et même
américain...Les deys d'Alger et des autres villes se maintenaient par la
ruse et la force, ainsi celui de Constantine, destitué à notre venue,
ayant avoué avoir fait trancher 12.000 têtes pendant son règne.
Faut-il oublier que l'esclavage existait en Afrique depuis des lustres
et existe toujours. Les familles aisées musulmanes avaient toutes leurs
esclaves africains. Les premiers esclavagistes, Monsieur le Président,
étaient les négriers noirs eux-mêmes qui vendaient leurs frères aux
Musulmans du Moyen Orient, aux Indes et en Afrique (du Nord surtout),
des siècles avant l'apparition de la Triangulaire avec les Amériques et
les Antilles, ce qui n'excuse en rien cette dernière, même si les
esclaves domestiques étaient souvent bien traités.
Faut-il
oublier qu'en 1830, les Français sont venus à Alger détruire les
repaires barbaresques ottomans qui pillaient la Méditerranée, libérer
les esclaves et, finalement, affranchir du joug turc les tribus arabes
et berbères opprimées.
Faut-il
oublier qu'en 1830, il y avait à peu près 5.000 Turcs, 100.000
Koulouglis, 350.000 Arabes et 400.000 Berbères dans cette région du
Maghreb où n'avait jamais existé de pays organisé depuis les Romains.
Chaque tribu faisait sa loi et combattait les autres, ce que l'Empire
Ottoman favorisait, divisant pour régner.
Faut-il oublier qu'en 1830 les populations étaient sous développées,
soumises aux épidémies et au paludisme. Les talebs les plus évolués qui
servaient de toubibs (les hakems), suivaient les recettes du grand
savant " Bou Krat " (ou plutôt Hippocrate), vieilles de plus de 2.000
ans .La médecine avait quand même sérieusement évolué depuis!
Faut-il
oublier qu'à l'inverse du génocide, ou plutôt du massacre arménien par
les Turcs, du massacre amérindien par les Américains, du massacre
aborigène par les Anglais et du massacre romano-berbère par les Arabes
entre l'an 700 et 1500, la France a soigné, grâce à ses médecins
(militaires au début puis civils) toutes les populations du Maghreb les
amenant de moins d'un million en 1830 en Algérie, à dix millions en
1962.
Faut-il oublier que la France a respecté la langue arabe, l'imposant
même au détriment du berbère, du tamashek et des autres dialectes, et a
respecté la religion (ce que n'avaient pas fait les Arabes, forçant les
berbères chrétiens à s'islamiser pour ne pas être tués, d'où le nom de "
kabyle " - j'accepte).
Faut-il
oublier qu'en 1962 la France a laissé en Algérie, malgré des fautes
graves et des injustices, une population à la démographie galopante,
souvent encore trop pauvre, - il manquait du temps pour passer du moyen
âge au XX ème siècle - mais en bonne santé, une agriculture redevenue
riche grâce aux travaux des Jardins d'Essais, des usines, des barrages,
des mines, du pétrole, du gaz, des ports, des aéroports, un réseau
routier et ferré, des écoles, un Institut Pasteur, des hôpitaux et une
université, la poste. Il n'existait rien avant 1830. Cette mise en place
d'une infrastructure durable, et le désarmement des tribus, a été
capitale pour l'Etat naissant de l'Algérie.
Faut-il oublier que les colons français ont asséché, entre autres, les
marécages palustres de la Mitidja, y laissant de nombreux morts, pour
en faire la plaine la plus fertile d'Algérie, un grenier à fruits et
légumes, transformée, depuis leur départ, en zone de friche
industrielle.
Faut-il oublier que la France a permis aux institutions de passer,
progressivement, de l'état tribal à un Etat nation, et aux hommes de la
sujétion à la citoyenneté en construction, de façon, il est vrai,
insuffisamment rapide. Le colonialisme, ou plutôt la colonisation a
projeté le Maghreb, à travers l'Algérie, dans l'ère de la
mondialisation.
Faut-il
oublier qu'en 1962, un million d'européens ont dû quitter l'Algérie,
abandonnant leurs biens pour ne pas être assassinés ou, au mieux, de
devenir des habitants de seconde zone, des dhimmis, méprisés et brimés,
comme dans beaucoup de pays islamisés. Il en est de même de quelques
cent mille israélites dont nombre d'ancêtres s'étaient pourtant
installés, là, 1000 ans avant que le premier arabe musulman ne s'y
établisse. Etait-ce une guerre d'indépendance ou encore de religion ?
Faut-il oublier qu'à notre départ en 1962, outre au moins 75.000 Harkis,
sauvagement assassinés, véritable crime contre l'humanité, et des
milliers d'européens tués ou disparus, après ou avant, il y a eu plus de
200.000 tués dans le peuple algérien qui refusait un parti unique,
beaucoup plus que pendant la guerre d'Algérie. C'est cette guerre
d'indépendance, avec ses cruautés et ses horreurs de part et d'autre,
qui a fondé l'identité algérienne. Les hommes sont ainsi faits !
Monsieur le Président, vous savez que la
France forme de bons médecins, comme de bons enseignants. Vous avez
choisi, avec votre premier ministre, de vous faire soigner par mes
confrères du Val de Grâce. L'un d'eux, Lucien Baudens, créa la première
Ecole de médecine d'Alger en 1832, insistant pour y recevoir des élèves
autochtones.
Ces rappels historiques
vous inciteront, peut-être, Monsieur le Président, à reconnaître que la
France vous a laissé un pays riche, qu'elle a su et pu forger, grâce au
travail de toutes les populations, des plus pauvres aux plus aisées -
ces dernières ayant souvent connu des débuts très précaires.
La
France a aussi créé son nom qui a remplacé celui de Barbarie. Personne
ne vous demandera de faire acte de repentance pour l'avoir laissé
péricliter, mais comment expliquer que tant de vos sujets, tous les
jours, quittent l'Algérie pour la France ?
En fait, le passé, diabolisé, désinformé,
n'est-il pas utilisé pour permettre la mainmise d'un groupe sur le
territoire algérien ?
Je présente mes respects au Président de la République, car j'honore cette fonction.
Un citoyen français,
André Savelli,
Professeur agrégé du Val de Grâce.