Maurice G. Dantec avait 57 ans. Son écriture, confuse mais fascinante, a souvent été la compagne de mes nuits d’insomnie. Catholique des origines, réactionnaire, Dantec avait depuis longtemps fait le pas de "coté" et c'est sans doute pour ces raisons que sa disparition a été évoquée très discrètement par les médias.
Maurice G.Dantec a sa place aux cotés des plus grands auteurs français.
CD
Interview dans le figaro en 2003
LE FIGARO - L'universitaire Daniel Lindenberg vous a rangé parmi les
«nouveaux réactionnaires». Votre réaction?
Maurice G. DANTEC - À la limite, cela pourrait flatter ma coquetterie
catholique. Être comparé à Léon Bloy, c'est toujours très flatteur. Cela
m'amuse de voir mes livres déclencher une certaine panique dans la
néobourgeoisie de gauche. Mais je n'ai rien à dire à ces gens-là.
Ne vous exposez-vous pas à ce genre de critique en utilisant vos
personnages comme des porte-parole de vos thèses?
Je pense qu'un personnage de roman est inévitablement porte-parole de son
auteur. S'il ne dit rien de sa vision du monde ou de ses engagements bons ou
mauvais , alors l'auteur n'a plus aucune raison d'écrire de livre. Au début du
XXIe siècle, il me semble difficile de mettre en scène des personnages qui ne
portent pas la parole d'aujourd'hui. Malgré tout, on peut le faire.
Christine Angot, par
exemple, le fait... Actuellement, il existe une coupure de plus en plus nette
entre l'intellectuel qui prend des positions et l'écrivain qui «fait de la
littérature». On pourrait citer des écrivains engagés comme Berl, Brasillach,
Aragon, Drieu la Rochelle ou Céline. En cherchant un peu, on trouve même des
Voltaire, des Hugo, Orwell, Huxley... Tous ont fait la démonstration qu'ils
étaient de grands romanciers et en même temps ils ont pris position sur les
événements de leur temps.
Jusqu'en 1968 grosso modo, il paraissait naturel pour un écrivain de
s'engager. Bizarrement, l'arrivée au pouvoir de Mitterrand et des anciens
gauchistes a coïncidé avec un retour au roman psychologique et intimiste. Un
roman assez néoconservateur, si on y regarde de plus près. La littérature
française actuelle est peuplée de Paul Bourget et de Paule Bourgette.
Depuis La Sirène rouge, vos livres ont toujours eu l'ambition
d'être des «big bang romanesques». N'avez-vous pas trouvé un formidable motif
avec les deux «big bang politiques» que sont la chute du mur de Berlin et la
chute des Twin Towers pour écrire votre nouveau roman?
Pour moi,
Villa Vortex est aussi une parabole sur la création du
monde, celle de l'homme, sur la chute, sur la Genèse. J'y ai introduit beaucoup
de théologie. Quant au terme «big bang romanesque», oui, c'est un bon résumé de
ma conception du roman. Partir d'un point de singularité jusqu'à parvenir à un
niveau d'expansion quasiment infini.
Pourquoi avoir situé Villa Vortex précisément entre ces deux
événements?
Bizarrement, il m'est apparu qu'au-delà des événements politiques qu'elles
symbolisaient, ces deux bornes historiques formaient une figure, j'oserais
dire, esthétique. Ces deux effondrements ont également correspondu à
l'ouverture d'un abîme: la chute du mur de Berlin a correspondu au
déclenchement de la guerre en ex-Yougoslavie et celle du World Trade Center à
la nouvelle guerre mondiale.
D'où vous vient cette fascination pour la chute?
Je ne crois pas du tout au progrès. C'est une notion qui m'est étrangère
depuis longtemps. Je peux croire au progrès de la technique, mais pas au
progrès social. Sur ce plan-là, la France de Charlemagne me semble infiniment
supérieure à celle de
Chirac.
A tous points vue, d'ailleurs. Je pense même qu'un serf avait plus de liberté
que n'importe quel universitaire vaseux du type Lindenberg. Et au moins il y
avait la liberté de la foi. Aujourd'hui, on se dit libre, mais, étant donné
qu'il n'y a plus de foi, il n'y a donc plus la liberté de la foi, donc plus de
liberté du tout.
En vous lisant, on découvre une sorte de catholicisme sauvage. Voilà une
chose nouvelle au cœur des romans-univers de Dantec. Comment cela vous est-il
venu?
C'est venu discrètement sans que je m'en rende compte. Au départ, comme je
suis issu d'une famille communiste, donc athée, un certain nombre de
présupposés ont gouverné mon éducation. Quoique ma mère d'origine bretonne,
convertie au communisme par la force des choses à la fin de la Seconde Guerre
mondiale, soit progressivement revenue à une sensibilité chrétienne. Quant à
moi, j'ai découvert et lu la Bible à l'âge de 21 ans! Un auteur comme
Philip K. Dick avec sa
Trilogie
divine a également ensemencé ma foi.
Que représente le catholicisme pour vous?
Mon catholicisme, c'est celui du Christ, de saint Paul, de saint Jean, des
pères de l'Église: Tertullien, Origène, saint Hilaire, saint Athanase... tous
ceux qui, entre 0 et 600, ont bâti le corpus christologique. Je ne me reconnais
pas dans le pseudo-catholicisme actuel avec ses paroissiens bon teint qui vont
aux JMJ avec un tee-shirt «I love Jesus» et jouent de la musique folk sur les
marches des églises.