"A force de ne pas parler des choses, par élégance, on ne dit rien, et on l'a dans le cul !"

Louis Ferdinand Céline

vendredi 11 octobre 2019

Éric Zemmour: «Que faire du succès de la manif contre la PMA?»




Ils étaient nombreux. Plus nombreux que ne le disent les chiffres minorés de la Préfecture. Plus nombreux qu’on s’y attendait. Plus nombreux qu’ils s’y attendaient. La manifestation de dimanche dernier contre la PMA pour toutes est un succès par cela même que tout le monde attendait un échec, y compris certains de ses soutiens eux-mêmes.

Des manifestants dont la sociologie n’avait pas changé depuis les Manifs pour tous depuis 2013. Toujours ces familles catholiques, plutôt bourgeoises, avec leurs nombreux enfants, justement. Bienveillantes, réfléchies, légitimement inquiètes. La manif de 2019 est la fille de celle de 2013, comme la PMA pour toutes est la fille du Mariage pour tous. Qui sera la grand-mère de la GPA pour tous, quoi qu’en disent les menteurs professionnels.

Des manifestants qui ne vont pas brûler le Fouquet’s ou piller l’Arc de triomphe. Des manifestants qui laissent plus propres après leur passage les rues qu’ils traversent. Des manifestants modèles qui rendent les CRS inutiles. Des représentants d’une France bien élevée et courtoise, qui met le débat démocratique avant la violence. Des manifestants qui n’ont pas«la haine». C’est leur force. Et leur faiblesse.

Leur force, car leurs arguments sont intelligents, fondés: les drames des enfants sans père sont devant nous ; la phrase terrible d’Agnès Buzyn, «Une femme peut être un père», dit tout de la confusion des esprits ; celle de la députée Aurore Bergé «nous n’interdirons pas par la loi la reproduction charnelle des couples hétérosexuels»montre par sa bêtise même, les fantasmes eugénistes des partisans de la PMA.

Mais leur faiblesse aussi, car nos institutions sont si solides que le pouvoir n’a peur que de la violence, et ne cède que devant la violence. C’est le paradoxe de la Ve que de Gaulle n’avait pas prévu, lui qui faisait parler le peuple par des référendums où il mettait son destin en jeu. Quand il n’y a plus cette soupape, ne reste que la violence. Mais elle n’est pas dans les gènes de ces manifestants-là. L’éducation l’explique avant tout. Mais la sociologie aussi: comme on l’avait remarqué en 2013, ces manifestants ne sont pas dans le camp des vaincus de la mondialisation, mais dans celui des vainqueurs. Ils sont issus des classes sociales favorisées, sans être dans celle des riches. Ils ne sont pas hostiles à la mondialisation, encore moins à l’économie de marché. Ils ne sont pas des victimes du«système».

Ils sont simplement victimes d’un rapport des forces au sein de ce système où la balance penche toujours en faveur des libéraux-libertaires qui veulent imposer l’individualisme et la loi du marché à tous les domaines, y compris la famille, le sexe, la culture, l’identité même. Ce rapport de force est inscrit dans le marbre des métropoles mondialisées où ils habitent souvent. Les«conservateurs» sont condamnés à perdre tous leurs combats face aux «progressistes» dans le cadre d’un combat entre seuls vainqueurs de la mondialisation. Leur seule chance de renverser la table est de s’allier aux vaincus de la mondialisation, aux «gilets jaunes», aux populistes, bref aux classes populaires. Sans cette alliance, sans ce «compromis historique», toutes les manifestations du monde ne serviront à rien.




Eric Zemmour, Le Figaro 10 octobre 2019







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