futur quartier écolo pour bobos. Rouen 26 septembre 2019. Crédit Photo Marie Hélène Labat |
On l'a échappé belle non ? C'est mon chien qui m'a réveillé un peu avant 4 heures. Il a horreur des feux d'artifices et pour lui le bruit des explosions au loin, cela ressemble à un feu d'artifices, alors il aboie en bas dans l'entrée .
Dans un demi sommeil, je crois tout d'abord à un énième acte de délinquance; des voitures incendiées dont les pneus en éclatant produisent ce genre de détonation. Je me rendors mais bien vite c'est toute une nouvelle série d'explosions, là ça fait beaucoup, d'autant que se mêle aux détonations le bruit d'un hélicoptère. S'ensuit alors la pioche aux informations.
Appeler la mairie ? Inutile, maire et fonctionnaires doivent roupiller à poings fermés. Alors c'est internet qui va nous donner la réponse; le site de Paris Normandie nous apprend que c'est (encore) Lubrizol qui fait des siennes. Un immense incendie. J'allume Radio France bleue Normandie, ils sont en édition spéciale. C'est grave, très grave même. Pour l'instant il s'agirait d'un stock "d'additifs" qui est en flammes. Mais le responsable des pompiers (gloire à eux !) sur place est très clair: si le feu se propage aux autres bâtiments, il y a risque de diffusion d'hydrogène sulfuré et là, ce ne sera plus du tout la même musique. La mort sera dans les airs et se baladera au gré des vents...
Alors on fait quoi ? On se calfeutre à la maison ? On embarque tout le monde dans la voiture et on s'éloigne le plus loin et le plus vite possible ? Finalement, nous décidons de rester confinés dans notre maison avec chien et chat. Le préfet bredouille à la radio que les fumées ne sont pas d'une " toxicité aiguë ", notion aussi vague que peu crédible. En fait il n'en sait rien, puisqu'il faut attendre le résultat d'analyses complémentaires qui devrait lui parvenir dans l'après midi. D'ici là, ça brûle toujours et il nous faut continuer à respirer cet air pollué par on ne sait trop quoi.
Le jour s'est maintenant levé. Enfin si l'on peut dire. Le ciel de Bihorel côté ouest est couleur d'encre et cela à très basse altitude. Au dessus de la maison par un velux, je constate que nous sommes à la limite du nuage de fumée. Il semble que la nuit soit en train de tomber.
La radio annonce que les sirènes vont retentir à 08H00 pour avertir les populations, soit plus de cinq heures après le début de l'incendie. Bravo aux élus en charge de notre sécurité.
A Bihorel, rien. Finalement elles ne retentiront qu'à Rouen et au Petit Quevilly.
Pendant ce temps là des enfants arrivent aux portes de leur écoles aux heures habituelles à Bihorel comme ailleurs. Ceux qui représentent "l'autorité" n'ont prévenu personne et ont laissé sortir au péril de leur vie, bambins et parents.
Vers neuf heures et quart, le nuage passe très nettement au dessus de la maison à 50/100 mètres d'altitude, difficile de se rendre compte. Toujours pas d'odeur. Mais une ambiance type Tchernobyl s'installe.
13 heures, Chirac sur les chaines d'infos nous vole, bien involontairement, la vedette. Pour les marchands de sensations et de publicité en continu, la vie d'un bassin de population de 500.000 habitants n'a plus aucun intérêt d'autant plus que l'on ne compte toujours pas un seul mort ! De quoi flinguer l'audience, ça manque de cadavre...
L'après midi se passe, on ne sait toujours pas ce qui volète au vent. Vers 17/18 heures une très forte odeur d'hydrocarbures et de caoutchouc brûlé entoure Bihorel. Certains endroits sont recouverts par une suie grasse, d'autres pas. On ne connait pas leur composition donc leur dangerosité...
Ce matin, nous sommes le jours d'après. Les "sachant" nous chantent en boucle "tout va bien, tout va très bien". "On peut vivre normalement à Rouen", nous déclare sans rire, le préfet.
Vient maintenant le temps des constatations et des bilans. Quel est l'impact de ce nuage de fumée (22 km de long sur 6 de large) qui a souillé les sols, la faune et la flore, les poumons et les yeux des habitants d'une zone qui va de Rouen à Neufchâtel-en-Bray (40 km à vol d'oiseau) et même au-delà puisque ressenti dans la Somme et jusqu'au Nord-Pas de Calais !
Quelles sont les conséquences, environnementales, alimentaires, sanitaires à court, moyen et long termes ? Dans la sphère du CHU se murmure en "off" que toutes ces particules sont cancérigènes.
Mais un problème central se pose aujourd'hui, celui de l’impéritie des maires et responsables de la métropole toujours prompts à se palucher à grands coups de "cop 21". Entre parenthèses, l'incendie d'hier, cela représente la pollution de combien de Clio de plus de vingt ans conduites par "ceux qui fument des clopes et roulent au diesel" ? J'attends la réponse d'un trou de balle LREM qui se reconnaitra.
Nous habitons une zone à risque, 40 usines classées "Seveso" sans compter deux centrales nucléaires.
Lubrizol ? Voilà six ans déjà, une fuite de mercaptan et son odeur pestilentielle avait créé peurs et pathologies dans l’agglomération. Hier, ce furent des fumées "peu toxiques" qui ont tout salopé sur leur passage. Que serait-il advenu si les émanations rependues sur toute une région étaient celles d'un produit mortel ? Nous serions à cette heure, mes chers Compatriotes, tous morts dans notre sommeil, hommes, femmes , enfants et animaux.
C'est sans doute cela que nos politiques attendent pour mettre en place une procédure digne de ce nom qui serait diffusée et portée à la connaissance de tout un chacun et qui nous indiquerait quelle conduite adopter et quelles mesures prendre en pareils cas ?
L'incendie d'hier et la propagation de ses conséquences montrent que mettre les usines à la campagne, ne servirait à rien. Nous vivons dans un monde qui a besoin des produits de ces usines. Alors faisons avec, mais il est du devoir des maires et responsables de mettre en place une véritable politique de protection des populations en les formant de manière préventive aux risques encourus et aux méthodes de survie en cas de pollution mortelle.
Bougez-vous les politiciens, petits marquis de tous bords, au lieu de faire les fanfarons avec nos impôts au quotidien ou vous aurez à en répondre devant les survivants de la prochaine catastrophe industrielle mortelle qui n'hésiteront pas à aller vous chercher là où vous serez terrés !
Nous sommes le jour d'après. C'est un jour de colère et si la pollution nous a enfumés, demain nous ne nous laisserons pas enfumer par vos phrases creuses et vos promesses de baltringues.
C.Dragasès
Ciel vers le nord. Bihorel 26 septembre 2019 - 11 heures AM |
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