"A force de ne pas parler des choses, par élégance, on ne dit rien, et on l'a dans le cul !"

Louis Ferdinand Céline

jeudi 31 mars 2016

Temps de parole, signature : la présidentielle verrouillée


Temps de parole, signature : la présidentielle verrouillée

FIGAROVOX/HUMEUR - Pour Laurent Herblay, la loi modifiant les règles de la campagne présidentielle aggrave l'inégalité de traitement entre les candidats et constitue un déni de démocratie.

 Imaginons un instant Poutine ou Orban réduire le temps de parole de la plupart des partis de l'opposition pendant les campagnes électorales, ou mettre en place une règle qui pourrait réduire potentiellement le nombre des candidats d'opposition un an avant une élection. Toutes les belles âmes dénonceraient ces dictateurs en herbe. Mais ici, il s'agit du texte que les députés ont voté cette semaine.

PS et LR, uni dans l'oligarchie autoritaire
Bien sûr, a priori, ce qui a été voté peut sembler un détail, d'ailleurs traité comme tel par les médias qui en ont très peu parlé, signe caractéristique d'un dysfonctionnement de notre démocratie. Comme je l'avais déjà évoqué en décembre, malheureusement, le projet de loi du gouvernement est passé cette semaine, avec à peine quelques poignées de députés qui ont voté pour valider ce projet révoltant. La révoltante règle dite de l'équité, introduite pour la campagne de 2012, est étendue pour toute la période précédant la campagne dite officielle. Selon cette règle, les médias peuvent attribuer des temps de parole proportionnels aux sondages, ce qui aboutit donc à favoriser les grands partis établis, quand la règle d'égalité, voulu par le Général de Gaulle en 1965, assurait une égalité de traitement démocratique.
 Et ce n'est pas tout, après la publication d'une petite partie des parrainages en 2012, ce projet de loi établit la publication de tous les parrainages, ce qui pourrait également affaiblir les petits candidats dans la mesure où le parrainage d'un élu pourrait avoir des répercussions… D'ailleurs, il sera intéressant de voir combien de candidats se présenteront l'an prochain, avec ce nouveau cadre législatif. Enfin, les dépenses de campagne seront comptabilisées sur 6 mois au lieu d'un an, ce qui revient encore une fois à avantager les grands partis qui pourront dépenser la même somme en deux fois moins de temps. Difficile de ne pas voir avec cette loi la défense cynique par le PS et les dits Républicains de leurs intérêts, qui mettent des bâtons dans les roues de tous les «petits» candidats qui pourraient émerger.
 Tout ceci est rendu encore plus choquant par le fait de changer les règles de l'élection présidentielle à peine plus d'un an avant le premier tour, d'autant plus que l'on voit trop bien les avantages que peuvent en tirer les deux partis qui dominent notre vie politique depuis trop longtemps. De facto, avec ce projet, ce qu'ils veulent, c'est empêcher d'autres candidatures et réduire le temps de parole des autres partis (FN à part, leur meilleur ennemi). Et malheureusement, les média sont largement silencieux sur ce scandale démocratique. D'abord, les règles ne devraient pas pouvoir être changées à ce stade, et on peut se demander si ces règles de base de notre démocratie ne devraient pas être constitutionnalisées pour être protégées. Ainsi, nos deux partis dominants révèlent un inquiétant caractère peu démocratique.
 Quel contraste avec le vrai démocrate qu'était le Général de Gaulle, qui, dans les années 1960, aurait sans doute pu passer outre l'égalité de temps de parole, mais qui respectait trop le peuple et la démocratie pour ne pas se battre à égalité. Avec cette loi, nos dirigeants montrent que le temps qui passe peut provoquer un retour en arrière. Un bien mauvais coup pour notre démocratie.

Laurent Herblay / Le Figaro 29 mars 2016

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire