"A force de ne pas parler des choses, par élégance, on ne dit rien, et on l'a dans le cul !"

Louis Ferdinand Céline

lundi 2 février 2015

Dormez bonnes gens...Michel Onfray


DORMEZ BONNES GENS… -
A la faveur des grands défilés du dimanche 11 janvier, les médias de masse ont abondamment commenté le retour du Peuple, à quoi ils ont ajouté le retour de la République, le retour de la Nation, le retour de la Marseillaise. Le retour, en fait, de tout ce qu’ils vomissent depuis des décennies et qui, d’un seul coup, devenait tendance. On a collé sous le nez d’enfants le micro du direct télé qui permettait de solliciter un avis dont on savait qu’il serait celui de ses parents, à savoir le politiquement correct ingéré par les masses depuis un quart de siècle – donc celui des médias de masse. Du haut de son mètre, le « petit d’homme » comme disait Reich, chantait la mélopée diffusée en boucle depuis trois fois son âge.
Ce grand exercice médiatique fut une belle occasion narcissique pour ceux qui n’avaient pas du tout envie de faire leur autocritique, ce qui aurait supposé qu’elles brûlent sur la place publique leurs idoles majuscules. Pas question de dire en quoi l’aveulissement qu’elles produisent depuis que le marché fait leur loi pouvait générer ce qui a eu lieu.
La haine des médias de masse pour le Peuple toujours sale, bas, vil, vulgaire et votant mal quand il refuse l’Europe libérale ; la haine des médias de masse pour la République, à laquelle ils ont préféré les tribus revendicatives, les communautés sécessionnistes, les « en tant que » qui n’aspirent qu’à se couper de la chose publique ; la haine des médias de masse pour la Nation qui est le peuple debout, sous prétexte, dixit Mitterrand, que « la Nation c’est le nationalisme et le nationalisme, c’est la guerre » ; la haine des médias de masse pour le combat antilibéral, toujours présenté comme irréaliste, utopique, porté par des gens incultes, ruraux, provinciaux et sous-diplômés (« nationaux et socialistes » écrivait Philippe Val, l’ancien patron de Charlie, de ceux qui avaient voté non au Traité européen…) ; la haine des médias de masse pour l’école républicaine à laquelle il fallait préférer il y a un mois les communautés éducatives politiquement correctes, transgenres et numérisées, post-évaluées et infantilisées ; la haine des médias de masse pour la laïcité présentée comme laïcisme et intolérance, sous prétexte que les religions étaient de paix, de tolérance et d’amour ; la haine des médias de masse pour un féminisme qui n’aurait pas été urbain, conceptuel, importé des campus américains qui voit la misogynie et la phallocratie partout, sauf là où elle est la plus menaçante, à savoir dans les banlieues réarmées spirituellement comme on sait – cette haine tentaculaire des médias de masse pour le Peuple, la République,  la Nation,  l’antilibéralisme, l’Ecole, la Laïcité, un féminisme républicain, a coupé la tête du Peuple pour mieux placer sur le trône l’aveugle Populace, qui est le peuple sans cerveau. Cette populace est conduite, guidée, pilotée par ces fameux médias de masse qui sont le bras armé des puissants qui nous dirigent, non pas dans les ministères où plus rien ne se décide, mais dans leurs bureaux privés, connectés sur les machines qui auscultent l’état du marché en temps réel.
Les mêmes médias de masse, coupables de rien, bien sûr, reprennent doucement leur ritournelle. « Dormez bonnes gens, tout va bien »… Des drones survolent nos centrales nucléaires depuis un certain temps ? « Pas grave, on maîtrise, on gère » disent-ils – avant d’annoncer une  page de publicité…
© Michel Onfray, 2015

3 commentaires:

  1. J'aime bien les intellectuels de gauche mais uniquement lorsque la gauche les répudie et les catalogue "réac".

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Attention Constantin, seriez-vous comme Marine Le Pen en train de vous gauchiser ?

      Supprimer
  2. je sais simplement reconnaitre un homme de bon sens et le bon sens depuis quelques années, c'est celui des réactionnaires qui pensent qu'il est grand temps (mais peut être est-ce déjà trop tard) de re-tricoter ce qui a été détricoté depuis 40 ans.
    Le texte de Michel Onfray exprime quasi parfaitement ce que je ressens depuis le 7 janvier.
    J’espère avoir dissipé vos craintes.
    CD

    RépondreSupprimer