"A force de ne pas parler des choses, par élégance, on ne dit rien, et on l'a dans le cul !"

Louis Ferdinand Céline

jeudi 26 novembre 2015

Le fusil de l'émir / l'éditorial d'Yves Thréard

Surnommé l'Émir blanc, il est connu des services de police depuis 1987. Non sans raison. Ce prédicateur radical est une référence pour tous les islamistes et candidats au djihad en France. C'est dans sa ferme de l'Ariège qu'il reçoit: Mohamed Merah, le tueur de Toulouse, et sa famille, partie combattre au Moyen-Orient ; Sabri Essid, l'un des coupeurs de têtes identifiés de l'État islamique ; Jean-Michel et Fabien Clain, proches des terroristes du 13 novembre, qui ont revendiqué les attaques…
Il a pourtant fallu attendre mardi pour que ce Syrien naturalisé français soit entendu par la justice. Puis condamné, le lendemain, à six mois de prison pour détention d'un fusil de chasse sans autorisation. Et encore, avec sursis!

Passivité, absence de preuves, vide juridique? L'incompréhension vous saisit. La colère vous étrangle. Combien d'assassinats et d'attaques mortelles ce gourou du fanatisme a-t-il pu, de près ou de loin, inspirer depuis des années? Combien d'autres en France, comme lui, prêchent la haine, sur Internet ou ailleurs, sans être inquiétés? Auteur de propos qui incitent au lynchage des femmes non voilées, l'imam de la mosquée Sunna de Brest est, par exemple, toujours en place.

Le ministère de l'Intérieur avait affirmé en août 2014: «Ce n'est pas un délit de prôner le djihad.» Dans l'état actuel du droit, il a raison ; mais ce délit, il faut le créer. On peut gloser à l'infini sur la signification du mot «djihad», mais l'expression est rarement utilisée à des fins pacifiques par ceux qui nient les principes de la République et détestent la France. On est bien plus facilement traîné en justice pour la moindre atteinte au politiquement correct ou critique des lois mémorielles dont on nous abreuve depuis une quinzaine d'années.

Un sursaut est nécessaire afin de mettre hors jeu les ennemis de l'intérieur, les tueurs et leurs mentors, tous déjà fichés ou presque. Dès maintenant, il faut préparer l'après état d'urgence pour que notre législation soit à la hauteur du défi, et appliquée sans faiblesse. Une question de clairvoyance et de volonté politique.

Yves Thréard / Le Figaro 26/11/2015

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