"Françaises, Français, le Général de Gaulle est mort, la France est veuve" Président Pompidou le 10/11/1970 à 13H00 |
L'immense horizon de forêt qui s'étend devant les fenêtres du bureau de la Boisserie oriente le regard vers la plaine champenoise et Paris. Pourtant, c'est de l'autre coté, vers l'est, que Charles de Gaulle dirigeait le plus souvent ses randonnées. Les épaisseurs mystérieuses des marches de Lorraine, incertaine région que nulle grande ville n'avait nommée et apprivoisée, convenaient au vieil amateur de paysages. Par là se trouvaient les étendues de neige où rares étaient les traces, une France ancienne. Elle avait quarante ans de retard au moins sur les grandes zones actives de l'économie nationale, celles où se pressaient les camions, les trains de banlieue, les barres d'immeubles, les longues usines, les supermarchés et les autoroutes, où la nuit était pâle et le jour sans vigueur.
Dans ce pays, les campagnes traversées, les villages, les petites villes avaient conservé les formes qu'il avait connues dans son enfance, et la France éternelle, ce qui n'était qu'un mot pour remuer, il le savait, les coeurs, ici semblait prendre réalité. Les brins de paille sur le pavement tourmenté des seuils de ferme, la voilure fatiguée des toits, le clocher de l'église au milieu, les petits rideaux aux fenêtres des cafés touchaient sa sensibilité et tiraient au jour les chaînes de souvenirs qu'il ne soupçonnait plus. La neuve fraîcheur des sensations montées du néant plaidait l'éternité du monde.
Michel Bernard. Cendres et résurrection
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