" Les hommes ne sont égaux que devant la loi et, peut-être, ontologiquement, devant un dieu terrible et tout-puissant, si lointain et si indifférent que leurs accomplissements et inaccomplissements ne lui seraient rien.
Ils sont égaux, peut-être, et encore, au premier vagissement, et plus sûrement au dernier râle, dans l'agonie, devant le mystère, face à la peur, au seuil de l'inconnu.
Mais dès qu'ils sont hommes, qu'ils sont et qu'ils font quelque chose, qu'ils assument leur humanité, ils sont inégaux.
J'avoue que je ne vois pas, que je n'ai jamais pu voir, comment l'égalité - autre que juridique, et, éventuellement, ontologique - était compatible avec la morale, et bien sûr avec l'esthétique : avec la beauté, avec l'art, avec la civilisation nous y revoilà.
Quelle égalité y a-t-il entre Laurent Ruquier et Yves Bonnefoy, entre Václav Havel et Mouammar Kadhafi, entre Enoch Powell et Harlem Désir ?
Si égalité il y avait entre ces personnages que tout sépare quant à l'intelligence, les accomplissements, la qualité humaine, la valeur pour leur peuple et pour l'humanité, il n'y aurait rien de plus décourageant pour l'âme et pour l'esprit, pour l'intelligence et pour la volonté, pour l'énergie et pour la vertu; car cette égalité signifierait qu'il ne sert à rien de peindre la chapelle Sixtine ou d'écrire la recherche du temps perdu, à rien de prononcer le discours du 18 juin 1940, de déposer une gerbe sur la tombe du Soldat inconnu le 11 novembre 1940, de monter l'attentat contre Hitler du 20 juillet 1944, à rien de ne pas tuer, de ne pas nocer, de ne déranger en rien ses contemporains ou de les exalter par son art et par son courage, tout cela ne servirait à rien, à rien, à rien, puisqu'on ne serait toujours que l'égal de Chevallier et Laspalès, de Julien Dray ou de Mohammed Merah.
C'est le renoncement, c'est la mort qui disent : ça m'est égal.
De l'égalité sortie de son lit on peut dire ce qu'Eschyle dans Agamemnon disait d'Hélène de Troie, la belle Hélène : « Elle a perdu les villes, perdu les vaisseaux, perdu les hommes. »
En France elle a perdu l'enseignement, détruit le système éducatif, mis à bas l'appareil de transmission culturel puisque la volonté de donner à tous la même éducation n'a assuré qu'une chose, que tous reçoivent la plus mauvaise, et que bientôt plus personne n'en reçoive aucune. ».
Renaud Camus
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