TRIBUNE de François Ruffin paru dans le Monde ce jour.
Monsieur Macron, je regarde votre débat, ce soir,
devant ma télé, avec Marine Le Pen qui vous attaque bille en tête, vous, « le
candidat de la mondialisation, de l’ubérisation, de la précarité, de la
brutalité sociale, de la guerre de tous contre tous », et vous hochez
la tête avec un sourire. Ça vous glisse dessus. Je vais tenter de faire mieux.
D’habitude, je joue les petits rigolos, je débarque
avec des cartes d’Amiens, des chèques géants, des autocollants, des tee-shirts,
bref, mon personnage. Aujourd’hui, je voudrais vous parler avec gravité.
Vraiment, car l’heure me semble grave : vous êtes détesté d’emblée, avant
même d’avoir mis un pied à l’Elysée.
Lundi 1er mai, au matin, j’étais à la
braderie du quartier Saint-Maurice, à Amiens, l’après-midi à celle de Longueau,
distribuant mon tract de candidat, j’ai discuté avec des centaines de
personnes, et ça se respire dans l’air : vous êtes haï. Ça m’a frappé,
vraiment, impressionné, stupéfait : vous êtes haï. C’était pareil la
veille au circuit moto-cross de Flixecourt, à l’intuition, comme ça, dans les
discussions : vous êtes haï. Ça confirme mon sentiment, lors de mes
échanges quotidiens chez les Whirlpool : vous êtes haï. Vous êtes haï par « les
sans-droits, les oubliés, les sans-grade » que vous citez dans votre discours,
singeant un peu Jean-Luc Mélenchon. Vous êtes haï, tant ils ressentent en vous,
et à raison, l’élite arrogante (je ne vais pas retracer votre CV ici).
Vous êtes haï, vous êtes haï, vous êtes haï. Je vous
le martèle parce que, avec votre cour, avec votre campagne, avec la bourgeoisie
qui vous entoure, vous êtes frappé de surdité sociale. Vous n’entendez pas le
grondement : votre heure, houleuse, sur le parking des Whirlpool, n’était
qu’un avant-goût. C’est un fossé de classe qui, face à vous, se creuse.
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