Au fond des vieux jardins il y a les vieilles maisons.
Ce sont les vieilles maisons qui font les grandes vacances. Les vieilles maisons font voyager bien plus que les autres. Leur silence est plein de chuchotements. Elles mènent très loin quand elles commencent à bavarder.
Quelquefois un arceau de croquet se rouille encore dans l’herbe où passa une allée. D’anciennes jeunes filles reviennent peut-être à certaines heures ? Qui sait ce qui se passe quand on n’est pas là ?
Le vieux lilas est plein d’escargots. L’humidité a pourri la tonnelle. Une collection complète du Journal des enfants, entre une vielle malle et un cheval-jupon, attend au grenier, sous la poussière, la curiosité d’un collégien. Le dernier qui l’a lue, enseigne de vaisseau, est mort au Tonkin, sous Courbet. On peut voir sa photographie dans une chambre nue, brûlée de soleil, dont la fenêtre donne sur de hautes fleurs jaunes derrière lesquelles il y a vingt kilomètres d’horizon.
Quatre-vingts ans ont passé depuis ces choses. Les enfants changent, les rêves demeurent et les attendent dans les mêmes coins des mêmes greniers. L’Orient, la mer et l’aventure entrent toujours par la même lucarne qui éclaire le même cheval-jupon.
Alexandre Vialatte
Chronique des vieux hommes des vieilles maisons – La Montagne – 25 août 1964.
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