Par Eric Zemmour, le Figaro 22/12/2017
CHRONIQUE - On pourrait accuser
Internet de tous les maux, mais on refuserait de voir la stratégie délibérée
des groupuscules féministes, gays, antiracistes qui sont tous alliés contre
leur ennemi commun : le mâle blanc hétérosexuel.
Avis aux éternels potaches. Aux
rois de la blague de mauvais goût. Aux empereurs du jeu de mots débile. Ils
sont sous surveillance. Leur vie est en danger. Leur destin peut basculer pour
une parole de trop. C'est ce qui est arrivé au présentateur de l'émission de
France 2 «Les Z'amours»: Tex. Depuis dix-sept ans, il avait eu souvent
l'occasion de déployer son humour lourdingue, un peu niais, jamais subtil. Et
puis, soudain, la vanne de trop. Qui frappe là où il ne faut pas: «Que dit-on à
une femme qui a deux yeux au beurre noir? Rien. On lui a déjà dit.» À ces mots,
les réseaux sociaux s'agitent. La secrétaire d'État à l'Égalité entre les
hommes et les femmes, Marlène Schiappa, alerte le CSA. La délation d'État est à
l'œuvre dans la foulée de «#balancetonporc». Tex finit par être renvoyé par la
chaîne publique! On pourrait multiplier à loisir les anecdotes similaires qui
attestent de cette ambiance de «chasse aux sorcières»: le footballeur Antoine
Griezmann qui doit s'excuser parce qu'il s'est grimé en Noir pour imiter un
joueur de basket américain. Ou une Miss France insultée et traitée de raciste
parce qu'elle ose parler de la «crinière de lionne» d'une autre Miss France,
venue de Guadeloupe.
On pourrait considérer tous ces
micro-événements avec dédain et mépris. On pourrait accuser internet de tous
les maux. On passerait à côté de l'essentiel. On refuserait de voir en face une
stratégie délibérée, longuement mûrie, et qui arrive à maturité aujourd'hui.
Des groupuscules féministes, gays, antiracistes, chacun suivant ses objectifs
propres, mais qui sont tous alliés contre leur ennemi commun: le mâle blanc
hétérosexuel. Qui ont une inspiration philosophique commune venue de la fameuse
«French Theory», théorie de la déconstruction passée par les campus américains
depuis les années 1960 et transformée là-bas en «politiquement correct»
médiatique et judiciaire.
Ils jouent aux faibles mais sont
les vrais puissants. L'État est de leur côté. La machine judiciaire est à leur
service. Les médias de gauche les soutiennent. Au nom du droit des minorités et
du respect des éternelles victimes - femmes, homosexuels, minorités «racisées»
-, ces militants veulent effacer toute expression culturelle de l'Occident.
Leurs méthodes peuvent changer, leur objectif reste le même. Ils transforment
les femmes savantes de Molière en un brûlot féministe. Ils accusent Michel
Audiard d'avoir été collabo. Ils auraient censuré les chansons de Brassens ou
de Brel (pour homophobie ou misogynie). Ils accusent la grammaire d'entretenir
les inégalités entre hommes et femmes. Ils ne laissent rien passer, pas la
moindre petite blague, pas la moindre expression. Ils ont fait leur une vulgate
marxienne mâtinée de gramscisme: la culture est, pour eux, le reflet des
rapports de force dans la société. La culture de l'homme blanc hétérosexuel,
même dans son humour le plus anodin, est oppressive par essence ; elle doit
donc être délégitimée, ostracisée, diabolisée. Pour être éradiquée. Avant
d'être remplacée. «On ne détruit réellement que ce qu'on remplace», disait
Danton.
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