Elle est là debout près du piano
On la dirait toute petite fragile
Elle sourit la tête penchée
Elle pose là, toute seule dans la lumière du projecteur
à la fois timide et heureuse
Elle est bien coiffée avec soin comme toujours
Coquetterie de vieille dame en tailleur démodé
Le sourire est très doux mais le regard vif montre une belle
assurance
Sourit-elle aux applaudissements ? Non le théâtre est vide
Elle est là sur la scène,
Le concours est fini les élèves sont partis
Restent les notes en suspension dans la poussière qui danse
La poussière le parquet l’eau de violette
Léger tap tap , des
pas d’une enfant chaussée de nu-pieds
blancs
Qui avance doucement timidement vers le piano
La fillette est
appliquée elle joue par cœur
Sa main ressemble à un papillon qui volète sur le clavier
D’où s’échappent des phrases légères comme les doigts d’une
petite fille en robe à volants
Elle joue par cœur, sérieuse comme l’étaient les petites
filles qui savaient sur le bout des doigts rosa rosae rosam et jouaient du
piano chez une vieille demoiselle en chemisier rose dont la maison l’hiver
sentait l’eucalyptus
L’élève doit jouer un peu trop vite, la vieille demoiselle
avec un demi-sourire bat le rythme de sa main ouverte comme pour retenir, calmer
la musique
Elle veille sur son élève, ombre tutélaire sévère mais juste
du professeur d’autrefois
J’ai aimé un temps
les ardoises mouillées et le parfum lourd des roses
Après la pluie dans l’air moite des soirs d’été
Quand la sonatine de Ravel ruisselait par les fenêtres d’Émilienne en myriades de gouttelettes irisées
Comme un arc en ciel au dessus des fontaines
Bihorel octobre 2016 (Billet invitée)
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