Michel Onfray: «La gauche est fascinée par l'islam comme elle l'était par les dictateurs au XXe siècle»
INTERVIEW - Taxé d'islamophobie par la gauche
et cité par Daech, le philosophe normand refuse de se plier à la doxa
binaire contemporaine. Il livre sa vision au Figaro Magazine.
LE FIGARO MAGAZINE - Longtemps, les intellectuels
français ont pu discuter du christianisme, du bouddhisme, du shintoïsme,
de l'animisme, etc., bref, de toutes les religions. Avez-vous le
sentiment que parler de l'islam en 2016 est immédiatement ressenti comme
un acte d'islamophobie? Michel ONFRAY- C'est ainsi que les choses sont désormais présentées par une presse qui se croit de gauche parce qu'elle le dit et qu'elle imagine que cela suffit pour l' être, alors qu'en plus d'avoir souscrit à tous les poncifs libéraux en matière d'économie elle a rallié tous les poncifs cléricaux sur le terrain de l'islam: éloge du clerc contre le profane, éloge de la théocratie contre la démocratie, éloge de la misogynie, éloge de la phallocratie, éloge de l'homophobie contre l'égalité des sexes, éloge de la foi et de la croyance contre la raison et la rationalité… Drôle d'époque! Si l'on veut encore être de gauche - la gauche old school - et c'est mon cas, il est donc désormais conseillé de passer pour de droite aux yeux de ces gens-là…
Pourquoi la gauche, a priori hostile aux religions, fait-elle preuve d'une telle mansuétude face à l'islam?
En matière de religion, la gauche radicale n'est hostile qu'au judéo-christianisme. En revanche, elle manifeste une sympathie pour l'islam dans sa version politique antirépublicaine. La plupart du temps, la gauche qui se dit anticapitaliste assimile le capital, le capitalisme, l'argent, les Etats-Unis, les Juifs, Israël dans une même réprobation. Plus la gauche est de gauche, plus elle force le trait dans cette direction. Il n'est pas étonnant que celui qui se montre le moins à gauche sur l'échiquier politique de gauche, comme Manuel Valls, se trouve être le plus lucide sur les problèmes posés par l'islam politique.
Quand le PCF souscrit au pacte germano-soviétique, entre août 1939 et juin 1941, il justifie son alliance avec le nazisme en affirmant que les deux régimes partagent la même haine de l'argent, du capital, du capitalisme, des Anglais, des Etats-Unis et des Juifs bien sûr. Rappelons que ce même nazisme a pour compagnon de route le grand mufti de Jérusalem invité par les nazis à prêcher dans l'unique mosquée de Berlin. Cet homme souscrivait à la solution finale. Ajoutons que nombre de nazis, après guerre, se réfugient dans des pays musulmans - Syrie, Egypte.
L'islam est, après la guerre, présenté comme un auxiliaire dans les luttes anticolonialistes qui veulent l'émancipation d'un Occident judéo-chrétien. En France, pendant la guerre d'Algérie, le FLN se réclame de l'islam et le PCF, qui traite les indépendantistes d'hitléro-trotskistes en une de L'Humanité lors des massacres de Sétif et Guelma en 1945, puis qui s'oppose au Manifeste des 121 en septembre 1960, finit par soutenir tardivement la cause indépendantiste algérienne.
Aujourd'hui, en tant qu'il incarne clairement un mouvement anti-occidental, l'islam politique violent séduit ceux qui voudraient en finir avec ce vieux monde capitaliste. Cet islam passe donc pour l'auxiliaire d'une lutte anticapitaliste et, en tant que tel, il est pensé comme un compagnon de route dialectique dans l'opération de destruction du capitalisme mondial.
Il y a juste une erreur, et elle est de taille: l'islam n'a jamais été anticapitaliste…
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