La vie moderne / Raymond Depardon - 2008 |
« Pour ne prendre qu’un seul exemple, il y a bien peu de chances
que le mot d’ordre « Volem viure al païs », qui fut, comme on l’a
peut-être oublié, l’étendard des paysans du Larzac, soit désormais perçu par un
jeune téléspectateur autrement que comme un appel Poujadiste à rejoindre la
bête immonde. Pour comprendre comment on a pu en arriver là, il est donc
nécessaire de rappeler quelques faits.
C’est en 1983-1984 –comme on le
sait- que la Gauche
française dut officiellement renoncer (car, dans la pratique, ce
renoncement lui était, depuis longtemps, consubstantiel) à présenter la rupture
avec le capitalisme comme l’axe fondamental de son programme politique. C’est
donc à la même époque qu’elle se retrouva dans la difficile obligation
intellectuelle d’inventer, à l’usage des électeurs, et tout particulièrement de
la jeunesse, un idéal de substitution à la fois plausible et
compatible avec la mondialisation, maintenant célébrée, du libre-échange. Ce
sera, on le sait, la célèbre lutte « contre le racisme, l’intolérance et
toutes les formes d’exclusion », lutte nécessitant, bien sûr,
parallèlement à la création sur ordre de diverses organisations
antiracistes, la construction méthodique des conditions politiques (par
exemple, l’institution, le temps d’un scrutin, du système
proportionnel) destinées à permettre l’indispensable
installation d’un « Front National » dans le nouveau paysage
politique. C’est donc précisément dans cette période très trouble et très
curieuse –pour tout dire très mitterrandienne- que les médias
officiels furent amenés progressivement à donner au mot de populisme- qui
appartenait jusque là à une tradition révolutionnaire estimable- le sens qui
est désormais le sien sous le règne de la pensée unique. »
Jean Claude Michéa, L’enseignement de l’ignorance, Climats 2000
(page 49)
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