Cher Michel, au risque de vous décevoir, le texte de cette prière n’a pas été écrit par un mécréant, mais par Francis Jammes (les mystères douloureux), un très catholique écrivain français qui vécu à la charnière du 19ème / 20ème siècle.
Si j’ai choisi cette chanson, c’est qu’elle illustre bien que le personnage de Brassens était beaucoup plus complexe que la réduction qu’il en fait de lui, 30 ans après sa disparition et que la case dans laquelle on l’enferme aujourd’hui, lui paraîtrait encore plus étroite que la pensée de l’époque qu’il dénonçait.
Pour répondre à votre question, ce n’est pas le mécréant qui donne un sens à la prière, mais c’est la prière qui est faite pour lui : Le Christ est venu ramener à Dieu les brebis égarées et nous sommes tous des mécréants en chemin.
En attendant, je vous souhaite une belle fête de la Toussaint. Les morts, quant à eux, attendront (pour leur fête) le 2 novembre !
Ne vous inquiétez pas, cher Constantin, ma seule déception eût été que vous ne mordiez pas à l'hameçon de cette interpellation.
Sans doute la brièveté de mon "aphorisme" donne-t-elle prise à de multiples interprétations et, après tout, ce n'est déjà pas si mal dans un monde de plus en plus frappé d'insignifiance, mais je voudrais quand même m'expliquer un peu plus sur ce sujet.
Je suis de ceux -et je n'en tire aucune fierté particulière- qui sont totalement hermétiques à toute forme de croyance spirituelle et plus encore à toute forme de religiosité. C'est ainsi. C'est dire si le terme "prière" est pour moi littéralement insensé.
Loin de moi l'intention d'enfermer qui que ce soit dans une case et surtout pas l'oncle Georges. Si le fait qu'il se soit emparé de ce texte d'essence religieuse m'intéresse, c'est précisément parce qu'il est cet homme libre, terriblement charnel, pétri d'humanité, aussi complexe qu'imprévisible et que, ce faisant, il donne (j'allais écrire "ajoute") à cette prière une dimension humaniste à laquelle je peux alors adhérer et ce, en toute harmonie avec mes propres convictions totalement étrangères à l'idée de transcendance.
De mon point de vue en effet, et sans même avoir l'intention de le faire pour autant, Georges Brassens sécularise, laïcise -et de bien belle manière !- la prière de Francis Jammes. Et c'est en cela que le mécréant donne et qu'il est le seul à pouvoir me donner, à moi non croyant, un sens qui ne peut être que laïc, à ce qui a été à l'origine écrit en tant que prière.
Voilà donc ce que m'inspire ce jour de Toussaint ; reste à vous remercier Constantin, pour l'occasion donnée d'écrire et donc de savoir un peu mieux moi-même ce que je pense sur un sujet qui m'est d'ordinaire si peu familier.
si je comprends bien, vous n'allez pas à la pêche à la ligne les dimanches d'élection, mais uniquement les jours de fêtes religieuses...
Laïc, certes mais un autre socialiste en son temps, s'affirma comme tel, avant d'écrire "Le mystère de la charité de Jeanne d'Arc". Le jour où la grâce vous tombe dessus, inutile de résister!
"l'histoire du christianisme primitif offre de curieux points de contacts avec le mouvement ouvrier moderne. Comme celui-ci, le christianisme était à l'origine le mouvement des opprimés. Il apparut tout d'abord comme la religion des esclaves et des affranchis, des pauvres et des hommes privés de droits, des peuples subjugués ou dispersés par Rome. Tous deux, le christianisme aussi bien que le socialisme ouvrier, prêchent une délivrance prochaine de la servitude et de la misère". Jean Paul II n'est pas l'auteur de ces phrases dont la paternité revient à Friedrich Engels. C'est peut être pour cela, que Brassens a interprété une aussi pieuse prière.
A vrai dire, je m'attendais plutôt à ce que vous m'objectiez des citations mitterrandiennes avec, par exemple, ce mot qu'il écrit tout à la fin : "Une messe est possible" ou cette autre belle formule : "J'aime ceux qui cherchent, je me méfie de ceux qui trouvent" mais non, vous non plus n'êtes pas vraiment prévisible (ce qui me comble d'aise) et c'est Engels que vous appelez à témoigner des convergences entre christianisme et socialisme ouvrier.
Après tout, toute organisation humaine, qu'elle soit d'essence spirituelle ou temporelle a pour ressort commun l'angoisse de finitude et il n'est pas étonnant dès lors qu'elle s'ancre sur des valeurs et des idéaux semblables de solidarité entre les hommes. Le christianisme ayant naturellement l'antériorité sur le socialisme, le socialisme ne pouvait faire autrement qu'emprunter aux valeurs humanistes contenues dans le christianisme primitif. Ce qui m'étonne, c'est qu'Engels s'en étonne en parlant de "curieux points de contacts".
Notre Histoire garde aussi la trace de fortes divergences et notamment de la difficulté de l'Eglise à accepter ce grand principe de la révolution française qui substituait la souveraineté du peuple à l'autorité spirituelle et qui, de ce fait renvoyait l'Eglise dans le camp des anti-républicains, des conservateurs ennemis du monde ouvrier.
Chacun à leur manière, Engels et Mitterrand ont contribué au dépassement, à la pacification de cette question religieuse comme élément du clivage politique droite/gauche. Et c'est heureux me semble-t-il dans la mesure où la "grâce" ou la foi ne se décrètent pas plus que l'existence ou la non existence de Dieu ne sauraient se démontrer rationnellement.
Reconnaissons ce que nous sommes, des êtres de chair et d'esprit, marqués par 20 siècles de Christianisme. Il est évident que l’Église a raté son rendez vous avec la classe ouvrière au 19ème siècle. Je me suis longtemps demandé si la source de la déchristianisation de la France n'était pas là? Mais je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous placez l’Église dans le camp des ennemies du monde ouvrier, c'est faire là un raccourci un peu rapide. D'ailleurs je crois qu'en ce début de 21eme siècle, la classe ouvrière cherche encore et toujours des amis !
Depuis ce rendez vous manqué, la fille aînée de l’Église erre sans repère et ses enfants de même, dans un premier temps contraints de s'inventer de nouvelles croyances puis d'avancer aujourd'hui dans la nuit du jouir sans entrave et du tout, tout de suite, veille antienne libérale soixante huitarde, dont la digestion par les marchés nous donne cette société de ce début de 21ème siècle. CD
Qui d'autre qu'un mécréant pour donner un sens à la prière ?
RépondreSupprimerCher Michel, au risque de vous décevoir, le texte de cette prière n’a pas été écrit par un mécréant, mais par Francis Jammes (les mystères douloureux), un très catholique écrivain français qui vécu à la charnière du 19ème / 20ème siècle.
RépondreSupprimerSi j’ai choisi cette chanson, c’est qu’elle illustre bien que le personnage de Brassens était beaucoup plus complexe que la réduction qu’il en fait de lui, 30 ans après sa disparition et que la case dans laquelle on l’enferme aujourd’hui, lui paraîtrait encore plus étroite que la pensée de l’époque qu’il dénonçait.
Pour répondre à votre question, ce n’est pas le mécréant qui donne un sens à la prière, mais c’est la prière qui est faite pour lui : Le Christ est venu ramener à Dieu les brebis égarées et nous sommes tous des mécréants en chemin.
En attendant, je vous souhaite une belle fête de la Toussaint. Les morts, quant à eux, attendront (pour leur fête) le 2 novembre !
Bien à vous
CD
Ne vous inquiétez pas, cher Constantin, ma seule déception eût été que vous ne mordiez pas à l'hameçon de cette interpellation.
RépondreSupprimerSans doute la brièveté de mon "aphorisme" donne-t-elle prise à de multiples interprétations et, après tout, ce n'est déjà pas si mal dans un monde de plus en plus frappé d'insignifiance, mais je voudrais quand même m'expliquer un peu plus sur ce sujet.
Je suis de ceux -et je n'en tire aucune fierté particulière- qui sont totalement hermétiques à toute forme de croyance spirituelle et plus encore à toute forme de religiosité. C'est ainsi. C'est dire si le terme "prière" est pour moi littéralement insensé.
Loin de moi l'intention d'enfermer qui que ce soit dans une case et surtout pas l'oncle Georges. Si le fait qu'il se soit emparé de ce texte d'essence religieuse m'intéresse, c'est précisément parce qu'il est cet homme libre, terriblement charnel, pétri d'humanité, aussi complexe qu'imprévisible et que, ce faisant, il donne (j'allais écrire "ajoute") à cette prière une dimension humaniste à laquelle je peux alors adhérer et ce, en toute harmonie avec mes propres convictions totalement étrangères à l'idée de transcendance.
De mon point de vue en effet, et sans même avoir l'intention de le faire pour autant, Georges Brassens sécularise, laïcise -et de bien belle manière !- la prière de Francis Jammes. Et c'est en cela que le mécréant donne et qu'il est le seul à pouvoir me donner, à moi non croyant, un sens qui ne peut être que laïc, à ce qui a été à l'origine écrit en tant que prière.
Voilà donc ce que m'inspire ce jour de Toussaint ; reste à vous remercier Constantin, pour l'occasion donnée d'écrire et donc de savoir un peu mieux moi-même ce que je pense sur un sujet qui m'est d'ordinaire si peu familier.
Amitiés,
Michel Coruble
si je comprends bien, vous n'allez pas à la pêche à la ligne les dimanches d'élection, mais uniquement les jours de fêtes religieuses...
RépondreSupprimerLaïc, certes mais un autre socialiste en son temps, s'affirma comme tel, avant d'écrire "Le mystère de la charité de Jeanne d'Arc". Le jour où la grâce vous tombe dessus, inutile de résister!
"l'histoire du christianisme primitif offre de curieux points de contacts avec le mouvement ouvrier moderne. Comme celui-ci, le christianisme était à l'origine le mouvement des opprimés. Il apparut tout d'abord comme la religion des esclaves et des affranchis, des pauvres et des hommes privés de droits, des peuples subjugués ou dispersés par Rome. Tous deux, le christianisme aussi bien que le socialisme ouvrier, prêchent une délivrance prochaine de la servitude et de la misère".
Jean Paul II n'est pas l'auteur de ces phrases dont la paternité revient à Friedrich Engels.
C'est peut être pour cela, que Brassens a interprété une aussi pieuse prière.
Bonne soirée.
CD
A vrai dire, je m'attendais plutôt à ce que vous m'objectiez des citations mitterrandiennes avec, par exemple, ce mot qu'il écrit tout à la fin : "Une messe est possible" ou cette autre belle formule : "J'aime ceux qui cherchent, je me méfie de ceux qui trouvent" mais non, vous non plus n'êtes pas vraiment prévisible (ce qui me comble d'aise) et c'est Engels que vous appelez à témoigner des convergences entre christianisme et socialisme ouvrier.
RépondreSupprimerAprès tout, toute organisation humaine, qu'elle soit d'essence spirituelle ou temporelle a pour ressort commun l'angoisse de finitude et il n'est pas étonnant dès lors qu'elle s'ancre sur des valeurs et des idéaux semblables de solidarité entre les hommes. Le christianisme ayant naturellement l'antériorité sur le socialisme, le socialisme ne pouvait faire autrement qu'emprunter aux valeurs humanistes contenues dans le christianisme primitif. Ce qui m'étonne, c'est qu'Engels s'en étonne en parlant de "curieux points de contacts".
Notre Histoire garde aussi la trace de fortes divergences et notamment de la difficulté de l'Eglise à accepter ce grand principe de la révolution française qui substituait la souveraineté du peuple à l'autorité spirituelle et qui, de ce fait renvoyait l'Eglise dans le camp des anti-républicains, des conservateurs ennemis du monde ouvrier.
Chacun à leur manière, Engels et Mitterrand ont contribué au dépassement, à la pacification de cette question religieuse comme élément du clivage politique droite/gauche. Et c'est heureux me semble-t-il dans la mesure où la "grâce" ou la foi ne se décrètent pas plus que l'existence ou la non existence de Dieu ne sauraient se démontrer rationnellement.
Michel Coruble
Reconnaissons ce que nous sommes, des êtres de chair et d'esprit, marqués par 20 siècles de Christianisme.
RépondreSupprimerIl est évident que l’Église a raté son rendez vous avec la classe ouvrière au 19ème siècle. Je me suis longtemps demandé si la source de la déchristianisation de la France n'était pas là? Mais je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous placez l’Église dans le camp des ennemies du monde ouvrier, c'est faire là un raccourci un peu rapide. D'ailleurs je crois qu'en ce début de 21eme siècle, la classe ouvrière cherche encore et toujours des amis !
Depuis ce rendez vous manqué, la fille aînée de l’Église erre sans repère et ses enfants de même, dans un premier temps contraints de s'inventer de nouvelles croyances puis d'avancer aujourd'hui dans la nuit du jouir sans entrave et du tout, tout de suite, veille antienne libérale soixante huitarde, dont la digestion par les marchés nous donne cette société de ce début de 21ème siècle.
CD