"A force de ne pas parler des choses, par élégance, on ne dit rien, et on l'a dans le cul !"

Louis Ferdinand Céline

vendredi 14 août 2020

Aux origines des pèlerinages du 15 août en Normandie




Par Olivier Cassiau / Paris Normandie


Samedi prochain, le 15 août, vers 15 h, deux cents pèlerins vont quitter en procession la place de la Calende, au sud de la cathédrale de Rouen. Direction, à pied, la basilique Notre-Dame de Bonsecours, pour un hommage à Marie. « C’est sûrement le plus ancien et le plus important pèlerinage de la région », glisse l’historien Jacques Tanguy. Dès le XIe siècle en effet, on fait référence à la chapelle de Blosville, un sanctuaire dédié à la Vierge. Elle contient une statue de la Vierge à l’enfant, objet de nombreuses dévotions et qui attire une multitude de pèlerins. On parle même de 50 000 personnes en 1552. La chapelle est détruite et reconstruite à deux reprises. La première pierre de l’actuel édifice est posée en 1840, la basilique néo-gothique est bénie en 1844.

Choléra et guerre

C’est là que les Rouennais se rendent quand les choses vont mal. En juin 1849, ils sont 20 000 à monter sur le plateau « pour implorer le ciel » lors de la terrible épidémie de choléra qui fait 100 000 morts en France. En 1914, en septembre, un mois après la déclaration de guerre, monseigneur Fuzet, archevêque de Rouen, fait le vœu « de mener toutes les paroisses de Rouen en pèlerinage à Bonsecours pendant vingt années consécutives si la ville de Rouen était préservée de l’invasion allemande ». La ville est épargnée, devient même la base arrière des alliés et les pèlerinages ont effectivement lieu pendant vingt ans, jusqu’en 1934. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, de nombreux Rouennais se rendent régulièrement à Bonsecours. Les moins courageux empruntent le funiculaire, puis le tramway, mis en service en mai 1899. C’est presque devenu une balade dominicale comme une autre. Pour 65 centimes aller-retour.

Grotte de Lourdes

À Criquetot-sur-Ouville, près de Yerville, c’est devant une réplique de la grotte de Lourdes que les fidèles se réunissent chaque 15 août pour une messe en plein air. La procession part de Yerville, pour rejoindre le sanctuaire. En 1894, de retour d’un pèlerinage à Lourdes, l’abbé Lamotte alors curé du village entreprend de doter sa paroisse de cette réplique. Les paroissiens fournissent les matériaux et aident au financement de sa construction. La grotte est réalisée par un maçon de la commune. Elle est bénie par l’archevêque de Rouen à l’été 1894. Une première restauration a lieu en 1950, et des milliers de personnes sont présentes le jour de l’inauguration en septembre 1951. Des cars sont affrétés, un champ transformé en parking pour les voitures, racontent Michel Decarpentry et Alain Lelièvre dans un ouvrage consacré à la commune. Un autre petit Lourdes existe aussi au Havre, dans le quartier de l’Eure. Le chanoine Pierre-Paul Boisseau, qui la réalise, n’est pas rancunier, puisqu’il décide, dans une ville rasée, de l’édifier en 1946 « en reconnaissance de la protection de l’église pendant la Seconde Guerre mondiale ». Alors que le diocèse du Havre n’existait pas encore, la cérémonie de retour des pèlerins havrais à l’occasion du pèlerinage diocésain de Rouen se déroule à la grotte pendant de nombreuses années. Autre lieu de dévotion de la cité océane, la chapelle Notre-Dame-des-Flots à Sainte-Adresse. C’est un ecclésiastique hors-norme et fortuné, l’abbé Duval-Pirou, qui est à l’origine de son édification. Il lance une souscription en 1857 offrant la moitié du coût et promet aux généreux donateurs que leur nom sera inscrit dans la sacristie. Le 11 septembre 1859, jour de la bénédiction, 10 000 personnes sont présentes.

« À Sahurs, la chapelle du manoir, Notre-Dame du Vœu, est réputée. On s’y rend quand on a du mal à avoir un enfant », souligne Jacques Tanguy. À tel point qu’Anne d’Autriche, la femme de Louis XIII, aurait fait le déplacement pour implorer la vierge Marie. Elle promet, si elle offre un héritier au roi ou à la France, qu’« elle offrira une statue en argent du poids du nouveau-né », sourit l’historien. « Après la naissance de Louis-Dieudonné, la reine va tenir parole. » Manque de chance pour les finances du royaume, « c’est un très beau bébé » : le futur Louis XIV pèse à la naissance près de 6 kg. La statue sera fondue à la Révolution.

Les pèlerinages du 15 août :

- Rouen. De la Cathédrale Notre-Dame de Rouen à la Basilique Notre-Dame de Bonsecours. 
Rassemblement à 15 h à la Cathédrale, place de la Calende, montée à pied. Vêpres à 17 h.

 - Criquetot-sur-Ouville. La paroisse Notre-Dame de Yerville organise une procession vers la grotte. Départ à 14 h de la salle Champlain, sur le parking du collège. Messe en plein air à Criquetot à 16 h.

Paris Normandie 9 août 2020












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