"A force de ne pas parler des choses, par élégance, on ne dit rien, et on l'a dans le cul !"
Louis Ferdinand Céline
Louis Ferdinand Céline
mercredi 13 février 2019
Barbara Lefebvre: «Au-delà de l'indignation, combattre l'antisémitisme en profondeur»
FIGAROVOX/TRIBUNE - Pour Barbara Lefebvre, le traitement de l'antisémitisme se résume trop souvent à une dénonciation incantatoire, et élude les causes profondes de ce symptôme de notre décivilisation.
Barbara Lefebvre, enseignante et essayiste, est l'auteur de Génération j'ai le droit (éd. Albin Michel 2018).
Qu'on l'appelle judéophobie, antijudaïsme ou antisémitisme, la haine antijuive - en discours comme en actes - s'inscrit dans une longue histoire, en Occident comme en Orient. Elle y a nourri des imaginaires religieux et politiques, forgé des stéréotypes singuliers aux espaces civilisationnels concernés mais finalement convergents une fois plongés dans le bain du multiculturalisme actuel. Ces imaginaires se mêlent désormais, se nourrissent l'un l'autre. Rien de neuf sous le soleil du point de vue historique et anthropologique, ni même sociologique. L'obsession antijuive ne relève pas du surnaturel ou de pathologies psychiatriques, c'est un fait culturel. Ce que la culture a fait, la culture peut le défaire. L'antisémitisme n'est donc pas une fatalité. Le rôle du politique dans une démocratie qui mettrait la res publica, la chose publique, au cœur de son action devrait être d'apporter des solutions à ce phénomène pluriséculaire, solutions de type sécuritaire, intellectuel et dans les cas d'homicides et d'agressions, judiciaire. Sans nourrir benoîtement l'illusion qu'on annihilerait la haine antijuive, on pourrait au moins la combattre efficacement. Au lieu de cela, le politicien s'exclame, s'indigne, fait des moulinets avec les bras ou rend hommage aux morts, la larme à l'œil. En miroir, le troupeau médiatique fait écho. Puis on passe inexorablement à autre chose.
Si on porte une attention particulière à l'antisémitisme en France, il est souvent éclairant de relever le moment où l'actualité médiatico-politique se saisit de ce sujet. Quels faits suscite cette mise en lumière? Qui l'initie? Quelles réactions suscite-t-elle? Et surtout combien de temps avant que la lumière ne s'éteigne de nouveau? Partout désormais on fustige «la montée de l'antisémitisme». Unanimité inédite, presque suspecte: de l'extrême droite à l'extrême gauche - qui trimbalent pourtant l'essentiel de l'appareillage idéologique antisémite contemporain - aux partis autoproclamés «progressistes et républicains» qui n'ont qu'un triste bilan, celui de l'indignation incantatoire à coups de «devoir de mémoire», de «plus jamais ça» en passant par «les heures sombres de notre histoire». Lesquelles précisément? On ne sait même plus puisque l'histoire de France est devenue une histoire de ténèbres. Bernard-Henri Lévy nous l'a expliqué dès 1981 dans son grandiloquent L'idéologie française dont la thèse principale était que la France, dès avant la Grande guerre, avait inventé le national-socialisme ; la France était intrinsèquement fasciste. Circulez. Les plus éminents historiens eurent beau démasquer les énormités de l'ouvrage, las: l'époque était à la pénitence et l'auto-flagellation, les «fascistes étaient partout» et les historiens n'étaient que de vieux universitaires périmés qui ne comprenaient rien à la vérité postmoderne des «nouveaux intellectuels». Les tempes grisonnantes désormais, notre philosophe nous alerte désormais sur les affreux «gilets jaunes», à coups de tweets notamment: «ou bien marcher vers l'égalité, ou bien vecteur d'un fascisme nouveau. Les #GiletsJaunes, hélas, ont choisi». Une pensée qui a au moins un mérite: la cohérence dans la dénonciation de l'identité fasciste française, donc…
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