FIGAROVOX/CHRONIQUE - Les élites, qu'elles soient administratives,
politiques, médiatiques, ont retourné l'efficacité des institutions de
la Ve contre le peuple.
RIC. C'est le nouveau sigle à la mode. Ce sont les «gilets jaunes» qui l'ont popularisé. Le référendum d'initiative citoyenne est leur marque de fabrique, leur revendication politique, leur réponse à leur sentiment de dépossession démocratique. Le gouvernement, les parlementaires, les élites médiatiques et administratives font mine d'accueillir favorablement cette idée. Mais c'est pour mieux l'enterrer. Déjà, il y a dix ans, lors de la révision constitutionnelle, Nicolas Sarkozy avait agi de même: avaliser le concept pour mieux le rendre impossible.
Pourtant, le référendum est une des grandes innovations de la Ve République. Mais seul le Président avait jusqu'alors le droit de poser la question. Le général de Gaulle avait conçu le référendum comme un moyen de contourner et de vaincre la résistance des élites, qu'elles soient partisanes, parlementaires, économiques ou syndicales. La Ve République était conçue dans son esprit pour établir le contact direct entre le monarque élu et le peuple, par-dessus les «notables et les notoires». Et quand le peuple se détournait du roi, celui-ci s'en allait.
Mais depuis lors, l'esprit des institutions a été dévoyé: les présidents n'organisent plus de référendum ; et quand ils le perdent, ils ne partent pas (Chirac) ; et quand le peuple vote non à la Constitution européenne (2005), le pouvoir la lui impose quand même (Sarkozy 2007). Les élites, qu'elles soient administratives, politiques, médiatiques, ont retourné l'efficacité des institutions de la Ve contre le peuple. Avec le scrutin majoritaire, on empêche la représentation des partis d'opposition. Au nom de l'Europe, on a donné à Bruxelles d'innombrables compétences qu'on ne peut plus discuter à Paris. Au nom de l'Etat de droit, on a donné au juge, qu'il soit français ou étranger, le pouvoir d'établir ce qui était conforme ou pas aux grands principes. La démocratie n'est plus le pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple, mais le pouvoir des oligarchies par la technostructure pour les minorités et les lobbys.
Déjà, on nous explique que le RIC devrait d'abord passer par le filtre du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat. Une bonne manière de le tuer dans l'œuf. Ensuite, on interdit d'avance des sujets comme l'immigration ou la peine de mort. Ce sont pourtant les sujets qui intéressent le peuple.
Nos élites veulent bien de la démocratie si le peuple ne peut rien dire. Elles appellent démagogie ou populisme ce qui est désaccord idéologique ou philosophique avec leurs conceptions du monde, du pays, de l'Homme. Elles veulent bien reconnaître que le référendum fonctionne en Suisse ou en Californie. Mais pas en France. Elles pensent que les Français sont des imbéciles, des ploucs, des racistes. Elles sont comme les élites bourgeoises sous Louis-Philippe qui s'accrochaient au suffrage censitaire par peur du suffrage universel. Le RIC serait le seul moyen de rétablir un authentique suffrage universel.
Déjà, on nous explique que le RIC devrait d'abord passer par le filtre du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat. Une bonne manière de le tuer dans l'œuf. Ensuite, on interdit d'avance des sujets comme l'immigration ou la peine de mort. Ce sont pourtant les sujets qui intéressent le peuple.
Nos élites veulent bien de la démocratie si le peuple ne peut rien dire. Elles appellent démagogie ou populisme ce qui est désaccord idéologique ou philosophique avec leurs conceptions du monde, du pays, de l'Homme. Elles veulent bien reconnaître que le référendum fonctionne en Suisse ou en Californie. Mais pas en France. Elles pensent que les Français sont des imbéciles, des ploucs, des racistes. Elles sont comme les élites bourgeoises sous Louis-Philippe qui s'accrochaient au suffrage censitaire par peur du suffrage universel. Le RIC serait le seul moyen de rétablir un authentique suffrage universel.
Eric Zemmour, Le Figaro, Paris décembre 2018
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